Culture(S)

Les 206 reçoivent Mariam Madjidi pour son roman "Pour que je m'aime encore"

Par ANNE CHAUVIN MOLLE, publié le mercredi 19 avril 2023 11:31 - Mis à jour le mardi 9 mai 2023 13:37
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Le jeudi 6 avril, les 206 ont eu la chance de rencontrer Mariam Madjidi pour échanger sur son roman, lu dans le cadre du Prix Littéraire des Lycéens et Apprentis de la Région AURA

Dans le cadre du Prix Littéraire des Lycéens et Apprentis de la région AURA, les 206 ont lu 4 BD et 4 romans. Ils ont eu la chance de rencontrer 2 auteurs de cette sélection: Nicolas Wild, pour la BD "A la maison des femmes" et, juste avant les vacances, Mariam Madjidi pour son roman "Pour que je m'aime encore".

Il s'agit du 2e roman de Mariam Madjidi et il a beaucoup plu aux élèves car il est en grande partie autobiographique. En effet, Mariam y retrace son adolescence dans la banlieue parisienne jusqu'à son entrée enclasse préparatoire dans un grand lycée parisien, expérience assez difficile pour elle. Arrivée d'Iran à l'âge de 6 ans et installée avec sa famille à Drancy, elle raconte l'école, l'ennui dans la banlieue, les copains, la découverte de la littérature et de l'écriture comme remède à cet ennui, les changements physiques de l'adolescence et la difficulté de s'accepter, tout cela avec beaucoup d'humour. 

Les élèves avaient préparé cette rencontre avec Perrine Delattre et Stéphanie Gisbert de la médiathèque B612. C'est Stéphanie qui a animé la rencontre, filmée par Fabrice Finotti, caméraman attitré du Prix.

Lors de la rencontre, les élèves ont pu  poser à Mariam Madjidi des questions sur son parcours, ses origines iraniennes, son "mal-être" d'adolescente, le secours apporté par l'écriture, ses voyages. Ils ont également ponctué les échanges de lectures d'extraits du roman, qui sont comme des pauses dans le récit.

En voici un exemple, où elle évoque sa ville, Drancy, l'ennui et la lecture :

C’est ici que j’ai grandi. Une fin d’enfance, une adolescence entière, un début d’âge adulte.

            Je suis attachée à toi, que je le veuille ou non.

            Tu es comme une mère qu’on aime, mais dont on aurait un peu honte.

            Cette banlieue marche en traînant les pieds. L’ennui règne sur elle, fait tomber les paupières et ne tient jamais ses promesses. Il ne recule devant rien, pas même les bistrots, pas même les parcs, pas mêmes les centres commerciaux, pas même les événements qui ponctuent timidement la vie culturelle.

            Ton ennui m’a forgée. Goutte à goutte, je l’ai tété durant plus de quinze ans. Surtout l’été. La chaleur s’en mêlait et le rendait plus entêtant, assommant, visqueux. J’associe l’odeur de la glycine à l’ennui. Ce parfum capiteux embaumait les rues pavillonnaires l’été.

Ton ennui m’a menée vers le pays des mots silencieux et solitaires. J’ai lu. Beaucoup lu. Des journées entières dans la petite bibliothèque à côté de chez moi en bas du bâtiment D de la cité Gaston-Roulaud. Je dialoguais avec des amis imaginaires qui se nommaient le Petit Nicolas, Momo, Azouz, puis le Grand Meaulnes, Gervaise, Boule de Suif, Nana, Rastignac, et plus tard Bardamu, Bartleby, Emma Bovary, Ursula Iguaran et Aureliano Bobilonia, Antigone, Electre, Ivan Karamazov. Ils venaient peupler ma chambre et ma tête, m’aident à m’évader sans avoir à me déplacer …

Et puis j’ai écrit. Des journaux intimes, des poésies, des contes.

            Il me fallait raconter mes journées insipides, défier la platitude d’une existence, fabriquer un double de moi-même qui ne se laisserai jamais abattre. Je sentais que le réel pouvait m’étouffer doucement, insidieusement et qu’il me faudrait très vite trouver une arme que je porterais sur moi en permanence. J’étais tombée un jour sur cette phrase de Simone de Beauvoir : « Je construirai une force où je me réfugierai à jamais. » Ma force c’était mon monde intérieur, fait de livres, de rêves, de textes. Un miroir dans lequel je pouvais me regarder sans honte, et comme dans les contes, le miroir me disait : O ma Reine, tu es la plus belle et la plus intelligente.

            Tu m’as forcée à découvrir un antidote à l’ennui.

            Tu m’as forcée à conjurer le vide.

            Tu m’as appris à aimer ma solitude et à avoir besoin d’elle.

            J’ai une dette envers toi."

Ensuite, des élèves ont montré à Mariam Madjidi les dessins faits à partir de son roman. Ils lui ont aussi proposé des jeux en lien avec l'extrait ci-dessus : des mots-croisés avec les personnages des oeuvres qu'elle avait pu lire et un blind-test des chansons présentes dans son roman, car la musique y tient une grande place.

La rencontre s'est terminée par une séance de dédicaces des exemplaires du roman et une photo souvenir.

Merci à Mariam Madjidi pour sa disponibilité et son franc-parler !

Pour voir la video de la rencontre, c'est ici prixlitteraire-ra.tumblr.com/