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Peut-on être heureux sans le savoir ? acte 2

Par NATHALIE BIESSY, publié le vendredi 8 mai 2020 16:26 - Mis à jour le dimanche 10 mai 2020 08:50
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Découvrez aujourd'hui une autre proposition sur cette délicate question traitée dans le cadre de la réflexion sur le bonheur. Notre "insoutenable désir de liberté et de bonheur " ne nous mènera-t-il qu'à l'ennui d'ici peu ? Difficile à croire, non ?

 

 

 

Epicure : - Ne sens-tu pas Schopenhauer, ce bien-être parcourir ton corps et ton âme, tandis que sagement assis dans ces jardins, nous écoutons le pringtemps poindre ? La brise s'éprend des fleurs, timidement l'écho d'une nouvelle vie nous parvient. A travers l'harmonie de nos sens, l'orchestre de cette nature désordonnée apaise nos troubles. Nous devenons coquelicot ployant sous le chant du vent ; glissant sur nos pétales, une voix murmure ; la terre remue, précise et militaire ; trouvant  réconfort dans la constance de son rythme, nous nous abandonnons à ses caprices. Aiguë et rapide, la rosée perce notre peau, carapace rigide et impitoyable. Soudain, elle coule lessivant toute souffrance, tout manque.

La nature assouvit bien des choses, la santé de l'âme comme du corps.

 

Schopenhauer : La brise du printemps assure la robustesse du corps et éloigne toute maladie. Néanmoins, sitôt la santé retrouvée, l'homme détourne sa sensibilité du plaisir pastoral. Il ne se remémore plus le temps où enfermé, il contemplait avec envie les vertus de la nature. Son désir insoutenable de liberté et de verdure lui était insupportable, cette souffrance tiraillant son esprit et la robustesse de son corps ne pouvait être assouvie que par la réalisation de ce même désir.

Celui-ci apaisé, la campagne n'est plus qu'ennui et désintéressement. Ce qui nourissait tant d'espoirs autrefois, laisse place à l'indifférence du désir assouvi.

Mais si ce n'était que cela... La condition humaine sait se montrer bien plus cruelle. Là où réside sa véritable perversion est dans la manière dont la finitude de toute chose, de tout bien amène l'individu à un malheur plus grand encore.

Si ce jardin venait, par la plus terrible fortune à être calciné par les mains de l'homme ou de la nature même, que ressentirais-tu ?

La disparition de ce que tu considères comme tien et qui t'a tant d'années honoré serait un déchiremment et laisserait place à plus de souffrance encore.

Mais, je vois ici que ce bonheur dont tu jouis est depuis si longtemps entre tes mains, que tu ne le considères plus. Ces banalités que tu profères depuis trop de temps déjà ne sont que mensonges, tandis que tu essayes de te persuader de ton bonheur, la nature humaine te pousse vers d'autres plaisirs.

Tu es comme chacun d'entre nous, heureux quand bien même tu n'as pas conscience de ce bonheur. 

 

Epicure : Ainsi, tu vois l'existence humaine comme une perpétuelle souffrance, agrémentée par le plaisir évanescent d'avoir ses désirs satisfaits. N'as-tu pas dit toi-même « La vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, entre la douleur et l'ennui » ? Il n'y a là qu'une vision mécanique de la satisfaction de l'homme, profondément pessimiste.

Il est vrai que l'homme se doit de répondre à ses manques dans une optique de réduction de la douleur, cependant, celui-ci dit se satisfaire des plaisirs les plus simples, les plus accessibles. Si celui-ci ne se dirige que vers des désirs vains qui ne peuvent être assouvis, il se condamne à une vie de malheur et de souffrance. Cependant, cela ne doit être le cas pour tous, les plaisirs naturels et nécessaires ne poussent pas les individus vers la sofistication. De plus, chacun peut profiter de l'abondance, tant que celle-ci ne devient pas une habitude engendrant la souffrance lorsqu'elle vient à manquer.

Tu dépeins ici une humanité entravée par le plaisir matériel, enchaîné par les honneurs, les responsabilités incertaines. Le véritable bonheur provient du détachement de tout bien, de tout honneur. De la perte de toute crainte ; ni les Dieux, ni la mort, ni la souffrance ne doivent perturber les hommes.

Tu ne prêches que la souffrance sans même donner un moyen de s'en libérer. L'homme qui n'a pas conscience de son bonheur est un homme malheureux. C'est un homme qui ne se dirige que vers des plaisirs dont la satisfaction disparaît aussitôt qu'elle est obtenue, des plaisirs brefs et dissolus. Tant qu'il n'a pas achevé la paix de l'âme et du corps s'étant détaché de tout bien, il ne peut être heureux.

 

Schopenhauer : Tu vois le bonheur comme fin de l'homme, et pourtant, tu vois la vie en communauté comme moyen d'atteindre le bonheur. Or, l'homme se détourne toujours de lui-même se comparant à autrui. Il se gonfle de jalousie, il veut obtenir plus et ne peut se résoudre à posséder moins, à être moins.

Ainsi, l'homme possédant un bien être matériel certain, dénigrera ce qu'il possède, se comparant à son voisin, riche propriétaire immobilier.

Nous n'avons conscience que de notre souffrance, elle nous apparait positive dans le manque comme dans la perte.

 

Epicure : La vie en communauté permet le partage avec autrui. Ainsi, la doctrine philosophique est discutée par chacun pouvant être mieux comprise. Les difficultés de la vie sont palliées par les autres, et la solidarité permet à chacun de vivre.

L'amitié en elle-même ne provient au départ que de l'utilité de l'autre, cependant, l'amitié ne peut naître dans la convoitise. Or, celle-ci étant une composante du bonheur, nul homme envieux de son voisin ne peut-être heureux. L’amitié est un héraut qui mène sa ronde autour du monde pour nous appeler à nous réveiller et nous estimer bienheureux.

 

César, TES