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Petit essai de philosophie politique

Par NATHALIE BIESSY, publié le lundi 28 décembre 2020 16:32 - Mis à jour le lundi 28 décembre 2020 18:15
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Dans la continuité d'un cours sur la question politique, un élève se livre à l'exercice de l'essayiste : peut-on penser un régime politique juste ?

La justice en société

Cet essai est rédigé sous forme de réflexion personnelle et non académique.

L’Autorité : du latin Augere signifie croître, augmenter. En un sens l’autorité élève, fait grandir, et peut se rapporter à l’enseignement. Celui-ci, par la discipline et l’éveil de l’esprit critique vise à inculquer aux hommes le respect des règles sociétales de vivre-ensemble, le respect des lois établies et la justice.

Cependant, qu’est-ce que la marque du juste lorsque chaque homme désire que les lois soient conformes à ses intérêts particuliers ?

En effet, l’intérêt particulier est immédiat, premier et facile à identifier tout en convergeant avec la liberté spontanée, ou le fait de pouvoir satisfaire ses désirs et ses impulsions premières. Ces notions correspondent à l’identité profonde de l’individu, ou « moi profond » (Bergson). Néanmoins, l’obéissance aux lois implique le conditionnement des désirs, et la correspondance au « moi social ». Or, l’Homme est un être qui exprime des désirs, et souhaite les satisfaire, en érigeant des lois qui arrangent ce-dit « moi profond ».

Selon Aristote, « l’homme est un animal politique », autrement dit le développement humain suppose le contact des esprits par le dialogue et les échanges affectifs.

Alors apparaissent des difficultés multiples pour vivre-ensemble : Le primat de l’intérêt personnel et le conflit des désirs sont à mettre en retrait pour le bien vivre-ensemble, et donc pour l’intérêt général, qui lui nécessite pensée et réflexion pour être identifié. Les lois doivent donc être en faveur de l’intérêt de tous, isonomiques.

C’est là le problème de tout droit, comme exigence de la justice et ensemble des lois écrites, légal et légitime en théorie, dont la finalité est la stabilité de la société. En effet, toute société viable est organisée par l’exercice d’un pouvoir, dont la forme varie en fonction de la société ; monarchique, républicain, élection, succession, …

Nous entrons alors dans le domaine politique en son sens le plus large ; Politikos signifiant civilité. Aussi à la tête de ce pouvoir un ou des hommes dirigent. Selon Kant, les caractères humains sont multiples et l’homme est sujet en trois sens. Comme dit précédemment il éprouve des désirs, il est ainsi sujet sensible ; mais il établit également la science, il est alors sujet connaissant ; et tente de faire advenir sa dignité, étant de ce fait sujet moral.

Posons une société dirigée un homme qui, comme le soutient Calliclès (Gorgias, Platon) impose la satisfaction de ses désirs aux autres hommes. Pour ce faire il érigera des lois en sa faveur, bafouant donc l’isonomie. Posons maintenant le principe de cet homme, le paradoxal « droit du plus fort ». L’ordre est donc établi par la force physique, il sera donc légitime pour l’homme le plus puissant de prendre le pouvoir. Or selon Rousseau, « Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître ».

Ainsi ce droit du plus fort « légitimerait » une instabilité politique de la société puisque si l’on suit ce principe, dès qu’un homme est assez puissant pour renverser le pouvoir, il est en droit de le faire.

Alors à l’antagonisme du principe même du droit, le nouveau détenteur du pouvoir érigerait ses propres lois, dans son propre intérêt et selon une mécanique infinie car on trouve toujours plus fort que soi. Engrangeant donc une instabilité constante, ce système est à bannir dans la recherche d’un système politique juste.

Aussi, l’on dit que le système le moins instable est la démocratie du grec Demos Kratos, ou le pouvoir au peuple. Ici, tous les hommes dirigent. Étant tous égaux, ils pensent dans l’idéal, domaine de l’exigible et du parfait, l’Intérêt général et ne sont pas tentés de faire primer leur intérêt personnel.

Néanmoins dans le domaine de la pratique, du constaté, ce régime rencontre des difficultés à établir le juste. En effet, la masse du peuple est influençable, est alors posé le problème de la démagogie.

Un homme pourrait ainsi flatter les masses, gagner leur confiance et les convaincre dans le but de les exploiter et de favoriser son « moi profond ». Pour y répondre, beaucoup ont affirmé la nécessité d’éduquer le peuple et ainsi éveiller leur esprit critique, pour prévenir leur manipulation. Seulement, comment l’éducation pourrait-elle éveiller l’esprit critique du peuple de manière désintéressée lorsque les professeurs eux-mêmes sont humains et désirent faire primer leur intérêt personnel ?

En effet, pour éveiller l’esprit critique de manière totalement objective, l’enseignement se doit d’être impartial et désintéressé. Mais ce serait sans compter la nature de l’homme qui, éprouvant des désirs, peut vouloir éduquer le peuple en sa faveur.

Aussi, force est de constater que l’éducation a toujours été partiale.

Constat d’abord historique ;

L’enseignement français a longtemps été catholique, mêlant éveil de l’esprit critique, et faveur des intérêts de l’Église, par l’initiation des élèves au dogme catholique, et de fait, la massification des croyants.

De plus, l’éducation a été utilisée à de multiples reprises comme démagogie politique. Nous entendons par là les « masses de granit » napoléoniennes, les jeunesses hitlériennes, staliniennes, mussoliniennes, et tant d’autres.

L’enseignement était ainsi utilisé pour embrigader le peuple, principe démagogique.

L’argumentaire de l’éveil de l’esprit critique par l’éducation, comme solution au problème de la démagogie en démocratie peut être réfutable, car l’enseignement en lui-même a par l’histoire et l’actualité été utilisé pour embrigader la population.

De plus, selon Blaise Pascal, l’homme a l’idée de la justice mais en a perdu la connaissance. Car il est une « nature déchue » de par l’héritage de la Faute d’Adam qui commit le péché originel, perdant ainsi cette connaissance. Ce qu’Adam lui-même fit car en tant qu’homme, il éprouve des désirs, d’après Kant.

Nous avons donc prouvé que malgré les potentielles bonnes intentions de l’être humain, celui-ci aura toujours tendance à favoriser son propre intérêt. Et ce, malgré sa nécessité de vivre en société pour dialoguer et s’accomplir humainement.

Voilà « l’insociable sociabilité des hommes » (Kant), les autres sont toujours des obstacles à ma liberté spontanée, « je ne peux les souffrir », mais sans eux je ne peux m’épanouir.

L’homme ne fera donc jamais un bon usage du pouvoir et n’est pas apte à diriger. Car étant sujet en trois sens, il n’est pas complètement moral, et le devenir reviendrait à annihiler son caractère sensible ce qui est impossible, et ne semble pas forcément souhaitable.

Tout cela nous permet d’affirmer qu’en théorie il est possible d’établir la justice, d’ériger un droit légal, légitime et juste aux yeux de tous.

La pratique et le domaine du constaté nous permettent d’affirmer au contraire que la justice n’est qu’un idéal et qu’elle ne sera jamais établie.

Néanmoins la portée explicative de ce raisonnement reste incomplète puisqu’elle s’appuie en partie sur des arguments supposant une croyance en Dieu, cette croyance n’étant pas universelle.

Aussi la théorie philosophique de Pascal exprimée dans Pensées n’a de sens que chez ceux qui reconnaissent la religion chrétienne.

Or, de mon point de vue, l’humanité n’a pas la connaissance de la justice et ne l’a jamais eue, c’est

plutôt par sa nature sensible. Mais cette théorie selon laquelle l’homme est sujet en trois sens suppose également la croyance en dieu. En effet, selon Kant, la moralité est créée par la raison. Seulement la Vernunftglaube, ou croyance de la raison suppose l’existence de Dieu. De ce fait, cet exposé doit s’appuyer sur une explication plus totale.

L’argumentaire doit être accessible à tous, et se baser sur des sciences universelles telles que la sociologie, l’anthropologie, la philosophie ou encore la psychanalyse. Si bien que Freud décrivît dans Malaise dans la civilisation le conflit des désirs, la primauté de l’intérêt personnel et sa présence de surcroît dans l’essence humaine.

C’est donc à travers la sensibilité de son essence même que l’homme ne pourra jamais exercer la vraie justice.

Autrement dit la vraie question n’est pas de penser un régime politique juste comme l’humanité fît dans l’histoire à savoir la démocratie athénienne, la république française, …

Car la consécration pratique de la marque du juste est impossible.

Il s’agît alors de tendre à exercer la justice, ce que nous pouvons désormais affirmer de manière totale, basée sur une explication à portée universelle.

Nathan, terminale générale